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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 19:53

32-3-A1 _ maj 12.10.01

 

 

Reprenons et poursuivons la réflexion que j'aimerais tant que vous m'aidiez à affiner et exprimer en des termes qui parlent mieux à tous et à chacun.

Dans une première étape (document 32-1  « une hypothèse qui rend cohérente l’apparente absurdité de ma vie » http://piomega.over-blog.com/article-321--a-_une-hypothese-qui-rend-coherente-l-apparente-absurdite-de-ma-vie-50468900.html), j'ai cherché à mettre en lumière tout le SENS et la cohérence que, pour moi, prend la vie humaine lorsque je m'appuie sur les affirmations du message judéo-chrétien pour comprendre ma raison d'être et de vivre.

Dans la seconde étape, (document 32-2 « le mystère du mal et de l’intime aspiration au bien » http://piomega.over-blog.com/article-32-2-a-le-mystere-du-mal-et-de-l-intime-aspiration-au-bien-55819264.html), nous avons abordé le thème du comment du mal et de la violence.

La nouvelle étape (32-3-A L’énigme du Mal et les contraintes du Bien) que nous avons déjà lancée en proposant la lecture du livre de Paul Clavier « l’énigme du mal » (http://piomega.over-blog.com/article-21-10-a-l-enigme-du-mal-_-paul-clavier-96152151.html), sera plus centrée sur la question du pourquoi du mal.

 

1_ CONSIDERATIONS SUR LA CAUSE PREMIERE ET L’ORIGINE DU MAL

 

A_ Ce que nous en dit Paul Clavier:

Paul Clavier récapitule clairement la problématique qui découle de l’existence du mal dans l’univers créé ex nihilo par un Dieu tout puissant. Formulons-là au plus court :

- si c’est Dieu qui a voulu ce mal, il n’est pas un Bondieu bon. Ce Dieu-là, auteur du mal, est un Méchantdieu ; il me scandalise ;  je le renie et préfère penser qu’il n’existe pas.

- si ce n’est pas Dieu qui a voulu ce mal, mais qu’il ne peut l’empêcher, c’est qu’il n’est pas tout puissant. Est-il vraiment dieu, vaut-il vraiment la peine qu’on s’intéresse à lui ?

- A bon escient Clavier intègre aussi les arguments d’un interlocuteur qui insiste sur la priorité à donner au concept de Dieu amour, par rapport à la question de sa puissance ou impuissance.

 

B _ Ce que nous en dit le pape Benoit XVI:

Cette question de la responsabilité du créateur concernant le sort de ses créatures a été abordée tout pareillement par Benoit XVI. Il y discerne la racine même des grands athéismes de notre époque   … et aussi celle de leurs dérives. 

BENOÎT XVI, Lettre encyclique Spe salvi sur l’espérance chrétienne, 30 nov. 2007

L’athéisme des XIXe et XXe siècles est, selon ses racines et sa finalité, un moralisme : une protestation contre les injustices du monde et de l’histoire universelle. Un monde dans lequel existe une telle quantité d’injustice, de souffrance des innocents et de cynisme du pouvoir ne peut être l'œuvre d’un Dieu bon. Le Dieu qui aurait la responsabilité d’un monde semblable ne serait pas un Dieu juste et encore moins un Dieu bon. C’est au nom de la morale qu’il faut contester ce Dieu. Puisqu’il n'y a pas de Dieu qui crée une justice, il semble que l'homme lui-même soit maintenant appelé à établir la justice. Si face à la souffrance de ce monde la protestation contre Dieu est compréhensible, la prétention que l'humanité puisse et doive faire ce qu’aucun Dieu ne fait ni est en mesure de faire est présomptueuse et fondamentalement fausse. Que d’une telle prétention s’ensuivent les plus grandes cruautés et les plus grandes violations de la justice n’est pas un hasard, mais est fondé sur la fausseté intrinsèque de cette prétention. Un monde qui doit se créer de lui-même sa justice est un monde sans espérance. [...]

 

 

C _ Une piste à explorer pour mettre en évidence pourquoi un Dieu bon peut laisser faire le mal:

Repartons à nouveau du postulat religieux chrétien selon lequel notre univers est la mise en œuvre d’un projet créateur qui a pour finalité de nouer, entre Dieu et ses créatures, une relation régie par un amour d’amitié authentique. Raisonnons en procédant à un lemme : Vérifions l’opportunité de donner foi à cette hypothèse d’un projet créateur qui vise l’instauration du règne de l’amour, en confrontant les conséquences qui en découlent rationnellement avec notre expérience concrète de la réalité que nous vivons. N’est-ce pas là une manière d’appliquer la démarche fides et ratio que propose saint Augustin quand il affirme : « credo ut intelligam »,  « je crois dans le but de comprendre ».

 

C’est dans cette optique-là qu’il s’agit d’examiner quelles sont les conséquences liées aux aspects les plus fondamentaux qui caractérisent l’amour d’amitié authentique, et notamment les suivants :

 

-1- l’amitié authentique est une relation constitutive de vie (ce point a été développé dans le document 32-2 « le mystère du mal et de l’intime aspiration au bien » (http://piomega.over-blog.com/article-32-2-a-le-mystere-du-mal-et-de-l-intime-aspiration-au-bien-55819264.html)

-2- Une telle relation a pour corollaire l’impérative nécessité pour le créateur tout puissant d’avoir à éviter que sa toute puissance ne s’impose à l’homme. Obliger l’homme à faire le bien réduirait cette créature à une fonction d’instrument robot et empêcherait qu’il puisse devenir co-acteur d’une vie spirituelle basée sur une relation d’amour d’amitié authentique avec son créateur.

 

Voici quelques points d’ancrage pour la réflexion à mener en ce domaine :

Ø         La problématique est fondamentalement celle de l’incompatibilité que je perçois entre d’une part le concept d’amour d’amitié authentique (que j’assimile à la vie dans sa dimension spirituelle) et, d’autre part, les concepts d’immanence et/ou transcendance qui expriment le caractère compulsif de la relation entre une créature et son créateur tout puissant.

 

 

Ø         Pourquoi cette incompatibilité ?:

o                       D’abord en raison de la distinction qui s’impose entre fini et infini. L’amitié est une relation interactive et d’interdépendance entre deux personnes qui expriment l’un à l’autre leur volonté respective d’aider l’autre à (mieux) vivre. Chez l’homme, ceci présuppose qu’il perçoive cet autre-là comme une personne, c'est-à-dire un «autre lui-même ». A défaut de quoi, il sera comme Adam qui, selon la parabole biblique, ne trouvait pas parmi les animaux « d’aide à vivre » qui puisse le sortir de sa solitude mortelle. Or la relation à Dieu son créateur tout puissant n’est pas pour l’homme une relation assimilable  à un autre lui-même. Dieu est le Tout Autre.

o                       Mais aussi bien sûr pour des considérations de liberté et gratuité. L’intention de servir le bien d’autrui ne relève pas de l’amitié si elle est motivée par la contrainte   -qu’elle soit intérieure (immanence) ou extérieure (transcendance)-   ou encore par la recherche de son propre intérêt. On découvre ce qu’est l’amitié quand la rencontre et le dialogue avec autrui vient mettre en lumière tout ce que nous avons en commun et notamment une même volonté de faire le bien de l’autre en lui rendant service. Ces échanges sont régis par un esprit de la gratuité du don entre des alter égo. Cette gratuité s’enracine dans une motivation de justice quand il nous apparaît que l’autre souffre d’un manque (fut-ce même un simple manque de reconnaissance que nous estimons lui être due par autrui). Nous partageons sa souffrance  (com-passion / co-misération) et cherchons à la soulager (amour)

o                       Pour ces raisons, pour que l’homme puisse aimer Dieu, il va lui falloir commencer par découvrir ce que c’est qu’aimer, et cela entre êtres humains qui sont des alter-égos les uns des autres. Pour qu’ils aspirent à vivre en amitié avec Dieu, celui-ci va leur faire goûter, d’abord entre êtres humains, aux prémisses de la vie d'amitié divine. C’est ce que je comprends de l’assimilation que fait Jésus des deux premiers commandements de Moïse (aimer son Dieu et aimer son prochain) ; et aussi de son affirmation (dans la parabole du jugement des nations) « ce que vous aurez fait aux plus petits d’entre vous, c’est à moi que vous l’aurez fait ».

Ø         Ainsi donc, en raison de l’incompatibilité entre transcendance et liberté au sein d’une relation d’amour d’amitié authentique, Dieu ne peut pas parler directement à l’homme en affichant sa nature divine de Créateur tout puissant. Il va lui falloir être ce dieu absent (dont l’absence précisément pose à l’homme tant de questions qui fâchent !). C’est ce qu’exprime, me semble-t-il, différentes paraboles de la bible : Celle du premier chapitre de la Genèse où, au septième jour de la création, Yahvé choisit de se reposer (ne plus agir). Celle du troisième chapitre où il exile l’homme hors du paradis, ban d’essai de sa création. Celles du Nouveau Testament où il est fait référence à un "maître parti en voyage".
Pourquoi cette incompatibilité ?

o                       Parce que la parole du Tout Puissant réalise ce qu’elle exprime (cf Gn 1,3 : Dieu dit: " Que la lumière soit! " et la lumière fut), l’objet qu’il a créé ne peut qu’exécuter les commandements de son créateur. Si c’est en qualité de ‘tout puissant’ que Dieu s’adresse à sa créature pour lui demander qu’il l’aime celle-ci est alors ‘mécaniquement’ contrainte de s’exécuter. On sort du domaine d’une relation d’amitié.

o                       Et aussi parce que si l’interlocuteur, même réputé libre, est un humain ‘bien humain’, celui-ci sera poussé par son intelligence rusée à profiter de l’amicale bienveillance de son interlocuteur pour instrumentaliser à son propre service la puissance de celui-ci. Une telle amitié intéressée ne relève pas de l’esprit d’Amour d’Amitié Authentique !

Ø         La question qui se pose alors est celle de savoir comment ce Dieu absent va-t-il néanmoins pouvoir contourner ces obstacles pour quand même nouer une relation d’amour d’amitié authentique avec sa créature ?  Quelle « astuce » va-t-il devoir trouver pour réaliser la mise en œuvre de son projet créateur ? la réponse à cette question se trouve peut-être bien dans les considérations suivantes :

o       La créature sera dotée d’un esprit d’intelligence rusée chargé de gouverner sa vie. Cet esprit de lumière (« lucifer » : porte lumière / vie de ce monde), prince de ce monde lui (re)commande de rechercher prioritairement son propre bien à elle, et non pas celui de son créateur. La recherche du bien d’autrui ne sera le fruit que d’un lent cheminement éducatif, avec des choix à faire invitant à une conversion (un retournement de référentiel, inspiré par un esprit nouveau, le "Paraclet", défenseur et avocat d’autrui) qui permettra d’inciter la créature à acquérir une liberté intime qui lui soit propre.

o       Pour pouvoir faire découvrir à l’homme d’une part en quoi consiste l’amour d’amitié authentique, et lui exprimer d’autre part l’amour que son créateur lui porte, le Dieu créateur absent va devoir recourir à des portes paroles qui soient des humains, et ne disposent d’aucun pouvoir transcendant.

§                       C’est cette appartenance à la nature humaine qui, me semble-t-il, est exprimée par le terme de «Fils de l’homme» que la bible applique aux prophètes, juges et autres rois chargés d’éduquer progressivement le «Peuple choisi» pour permettre l’accueil de la Parole divine.

§                       Puis c’est son acte d’incarnation qui va donner à Dieu la possibilité de parler directement à l’homme de l’amour d’amitié qu’il lui porte. Cela justifie que Jésus soit à la fois Fils de l’Homme et Fils de Dieu ; totalement homme et totalement Dieu. Mais en même temps, ce Dieu incarné va devoir tenir sa toute puissance discrètement caché aux yeux des hommes. De sa naissance dans une crèche, à sa mort sur une croix. Certes il guérit les malades et chasse les esprits mauvais, mais il leur demande de taire ces manifestations de sa toute puissance. Même après sa résurrection les disciples conservent manifestement la liberté de leur foi. N’est-pas ce qui est attesté par le fait que, selon les Ecritures, au moment même de l’Ascension, «certains eurent des doutes».

§                       Si Dieu a pris la précaution de créer séparément, d'une part le ciel (où il demeure), et d'autre part la terre (où il installe l’homme), ce n’est à priori pas pour rien. Dieu s’incarne sur terre dans le monde de l’homme (qu’il a tiré de la terre) pour exprimer à cet homme dans un langage d’homme (et nous n’avons rien d’autre que notre corps pour exprimer notre âme) un message qui est Voie (de la terre au ciel) Vérité et Vie.

En s’incarnant le Christ se fait   -pour reprendre l’expression de st Jean l’évangéliste-   lumière venue dans les ténèbres. Cette lumière permet aux hommes   -qui vivent dans les ténèbres que leur impose leur nature humaine de créatures-   de «voir avec leurs yeux et d’entendre avec leurs oreilles » l’amour d’amitié authentique que Dieu leur porte. Et comme dans le langage des hommes, c'est en se donnant du mal pour faire le bien d’autrui qu'on lui exprime l'amitié qu'on lui porte, du coup, c’est en acceptant de souffrir que Dieu va pouvoir réussir à exprimer aux hommes la gratuité de son amitié.

 

_II_ CONSIDERATIONS SUR LA CONNAISSANCE DU BIEN ET DU MAL

 

Ayant débroussaillé la question de l’impuissance du Dieu créateur à imposer à sa créature (créée à son image pluripersonnelle) de nouer entre eux ou avec lui une relation d’amour d’amitié authentique, venons en à la question de la prise de conscience par l’homme de ce qu’est le bien et le mal.

 

Le scandale du mal témoigne au mieux, s’il le fallait, d’une aspiration au bien qui est fondamentale chez l’homme. En conséquence, la question la plus pertinente à laquelle il nous faut nous atteler à répondre, c’est : Le bien, c’est quoi ?

Vaste question, certes ! Mais c’est, me semble-t-il, le mystère du bien qui apporte le meilleur éclairage pour une approche rationnelle de l’énigme du mal.

En effet, comme déjà mentionné (dans notre document 32-2-A d’août 2010), je reste convaincu que le mal n’existe pas en soi. Il est une réalité comparable à l’obscurité ou au froid. Seuls existent réellement la lumière et la chaleur. Et comme me le rappelait encore récemment un ami, si la nuit ne supprime pas la lumière (qui n’est que cachée), quand vient la lumière du jour, elle supprime la nuit. Pour lui, le mal est absence de l’esprit d’amour que Dieu nous porte, et lorsque Dieu apparaît, le mal disparaît. Cette image permet de mieux saisir le paradoxe auquel nous sommes confrontés, puisqu’en effet, pour nouer une relation d’amour d’amitié authentique avec son créateur, l’homme a effectivement besoin d’une part d’ombre de sorte à échapper à la transcendance de Dieu ; mais en même temps cette ombre-là, absence d’un esprit d’amour, fait obstacle au bien.

Mais revenons à l’analyse du concept du bien. Nous associons toujours le mal et la mort. A y regarder de près, le bien, lui, est tout pareillement indissociable de la vie. Le bien chez un être vivant, c’est ce qui promeut sa vie. Aussi pour cerner ce que c’est que le bien, il convient de commencer par cerner ce que c’est que la vie. Rappelons ce qui a déjà été abordée (dans le document 32-2-A).  La notion de vie recouvre une gamme de phénomènes plus ou moins complexes, mais répondant tous à une constante qui fonde le concept de ce qu’est la vie : un mouvement d’échange entre des entités distinctes

Regardons notre univers en expansion depuis le Bigbang. De ce que j’ai compris des ouvrages de vulgarisation que j’ai parcourus, l’émergence de la vie y est le résultat d’un effet qualifié de néguentropie. Ce terme désigne un mouvement de complexifications des échanges et de l’interdépendance des forces en présence; il désigne l’inverse de l’entropie qui, elle, désigne la dispersion et dissipation des forces existantes. Et les théories de l’évolution ont apporté un éclairage précieux sur la complexification de cette interactivité et interdépendance au fur et à mesure que l’on passe de la simple « matière vivante » à des êtres intelligents vivant une vie sociale collective, au sein de laquelle pourra être fait l’expérience de relations interindividuelles personnalisées.

Partant de l’entité unicellulaire, que nous sommes chacun à l’instant de notre conception, le génome intervient d’abord pour gérer un métabolisme chimique entre cette cellule et son environnement. Ensuite c’est son message organisateur qui va aussi progressivement structurer l’assemblage d’un corps embryonnaire qui, après naissance, devient support et pole d’une relation sociale. De même que le développement d’un arbre est programmé dans sa graine, la renaissance à une vie spirituelle est une proposition portée dans notre corps dès l’instant de son engendrement.

Chez l’homme, aux strates de vie animale et charnelle déjà accumulées par ces processus d’échanges, vient s’ajouter une strate de vie supplémentaire qui lui est propre, et qui ouvre sur une vie complémentaire relevant de la dimension spirituelle. Cette vie-là, que régit non plus un message ADN mais un Esprit d’Amour, répond à une dynamique d’échange radicalement différente de celle de la vie dans sa dimension animale (qui est poussière qui retournera à la poussière).

Ø                     Dans sa dimension animale et charnelle, la vie est régie par un principe (prince) de ce monde que désigne le terme anodin d’intelligence rationnelle. C’est cet esprit de domination et de ruse qui édicte ce que nous qualifions communément de Loi de la jungle. Cet esprit-là est inconciliable avec l’esprit qui régit des relations relevant de l’amour d’amitié authentique. En application du principe d’intelligence et de ruse, le bien consiste à me faire vivre moi. Il me revient à moi de faire en sorte que toi (qui est partie de l’environnement que je me dois d’instrumentaliser pour ma survie et mon bien être), tu y contribues. Le bien de chaque être vivant d’une vie de niveau animal consiste à pérenniser la vie qui l’anime au détriment des éléments vivants de son environnement (nous nous nourrissons de matière vivante et non pas de minéral !).  Il en résulte pour les êtres vivant dans cet environnement, d’avoir à subir comme mal ce qui constitue le bien d’un autre. La fécondité et la solidarité des espèces animales visent essentiellement la survie de leur génome respectif. Le mal animal, commis et subi, reste toutefois innocent puisque l’individu est ainsi programmé et sa nocivité inconsciente.

Ø                     Dans sa dimension spirituelle, la VIE est animée par un Esprit organisant les échanges selon une logique différente. Ici Le bien consiste à te faire vivre toi. C’est moi qui désire que toi tu vives et je m’en fais l’instrument. L’amour d’Amitié Authentique est un mouvement de réciprocité de ce don de soi, qui nourrit la vie spirituelle respective du donneur et du donataire alternant. C’est, me semble-t-il, l’identification de l’autre à un autre moi-même (c'est-à-dire une « personne ») qui donne naissance à la conscience morale (celle du bien et du mal dans notre relation à l’autre).

A une économie d’échanges fondée sur une logique de prédation va alors pouvoir se substituer une économie fondée sur une logique d’amour qui est don de soi. La perpétuation d’une vie relevant d’une économie de prédation impose une reproduction et démultiplication des individus avant que ceux-ci ne subissent une mort qui contribue (directement ou indirectement) à la survie des autres. La perpétuation de la vie relevant d’une économie d’amour n’est par contre pas soumise à cette contrainte-là et l’éternité lui est acquise.

 

Cette analyse sommaire du mécanisme vital dans sa dimension charnelle et sa dimension spirituelle, met en évidence la contradiction potentielle entre le bien charnel et le bien spirituel. La vie dans sa dimension spirituelle consiste à rechercher le bien d’autrui. La simple omission de rechercher du bien d’autrui est incompatible avec une relation d’Amour d’Amitié Authentique, et partant, est mise à mort de la vie dans sa dimension spirituelle.

Le mal comme les ténèbres, n’existe pas en soi. Il est absence d’activation d’un esprit de vie spirituelle. La difficulté vient de ce que je n’ai rien d’autre que mon corps pour exprimer mon âme, alors même que ce corps est lui régi par le prince de ce monde qui le soumet à sa loi, celle de la jungle.

Le passage de la loi de la jungle    -gérée par l’intelligence rusée-   à la loi de l’amour    -gérée par un esprit d’amitié gratuite-   va s’inscrire dans une expérience de ce qu’est la solidarité. Il s’agit d’une expérience vécue dans le cadre d’une alliance. Cette alliance, motivée au départ par l’efficacité d’une mise en commun des forces pour lutter ensemble contre un ennemi commun (ou perçu comme tel) relève de l’intelligence de la raison. Or voici que cette expérience de solidarité vécue à cette occasion permet à l’homme de découvrir de l’intérieur un mode relationnel nouveau, et de choisir de nouer une relation d’amitié gratuite relevant de l’intelligence du cœur.

 

 

_III_ CONSIDERATIONS SUR LA LIBERATION DU MAL ET LE SALUT DES HOMMES

 

Les considérations précédentes cherchent à mieux cerner l’énigme du mal en lui attribuant pour cause

- d’une part l’incompatibilité de l’amour avec une relation de transcendance,

- et d’autre part la nécessité d’un processus conduisant à discerner le mal et le rejeter, de sorte à aspirer au bien et permettre ainsi de faire l’expérience d’une relation d’amour d’amitié, laquelle permettra à son tour de dépasser le stade charnel de la vie et ouvrira à une vie spirituelle.

 

La prise de conscience du bien et du mal relève d’un processus d’éducation  (e-ducere = conduire hors de) qui organise un cheminement hors du règne du mal vers le règne du bien, et enfante une vie nouvelle échappant au mal et à la mort. Cette question a déjà été abordée dans le document 32-2-9 thème de la création (http://piomega.over-blog.com/article-32-9-echos-des-debats-du-cercle-de-reflexion-_1_-87760261.html)

 

Je propose que nous abordions dans une prochaine étape les points suivants :

- une lecture de ce qui constitue l’Histoire Sainte de l’humanité, celle de son ‘salut’ (thème de l’alliance: l’Ancienne et la Nouvelle)

- la signification à donner à l’affirmation de Jésus : « vous n’aurez pas d’autre signe que signe de Jonas »

 

En conclusion final il nous restera encore à aborder le thème du 8ème jour, celui du passage de ce monde à celui à venir. Il s’agira d’aller à l’essentiel et d’examiner le rôle de l’Espérance dans la situation où se trouve celui qui fait concrètement face à une souffrance morale mortifère, et/ou à une souffrance physique débouchant sur la mort dans la douleur.

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commentaires

C
c'est un bien grand plaisir, cher BSM d'avoir quelqu'un qui répond à Pioméga ce que je pense et que je n'exprime pas aussi bien!<br /> et pour rester sur une note humoristique , une question d'un de ces touts petits (au catéchisme) Vous l'avez vu Dieu vous ? je me suis demandée ce que j'avais bien pu leur raconter pour avoir une<br /> question pareille. Pourquoi l'aurai-je vu? Parce que vous êtes vieille!<br /> c'est bon pour l'humilité.
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B
Cher ami, poursuivons notre "disputatio"..... sur les "simples", les petits, ou les enfants qui reçoivent la révélation cachée aux sages et aux savants. Loin de penser comme ce raisonneur de J.J.<br /> Rousseau, je trouve une réponse dans la foi que nous proclamons: nous sommes tous, hommes et femmes, créés à l'image de Dieu qui est le Bien parfait. Cette capacité à discerner le bien est inscrite<br /> dans notre nature dès notre naissance. L'éducation que nous recevons, ou pas, contribue à développer cette capacité de discernement, à l'occulter, ou même à l'enfouir sous une carapace de<br /> raisonnements spécieux, de comportements mauvais, ou tout simplement sous l'effet du matérialisme et du relativisme ambiant qui finit par ne plus distinguer le bien du mal, ou pire à appeler bien<br /> ce qui est mal et inversement. Je constate toutefois qu'un enfant éduqué très tôt à la conscience du bien, atteint souvent, à l'âge de raison entre 7 et 12 ans un degré étonnant de relation avec<br /> Dieu, qui l'invite à consacrer entièrement sa vie au Christ, dispensateur de tout bien. Je pense que c'est pour ceux-là que Jésus adresse sa prière de louange au "Père", et à ceux-là qu'il nous<br /> demande de ressembler.<br /> En ce qui concerne le mal, là encore le Credo que l’Église nous enseigne et que nous proclamons chaque dimanche nous permet d'aller au delà du dualisme manichéen que tu crains, en nous entrainant<br /> dans une "logique spirituelle", si cela est possible ( et cela l'est, la raison et la foi étant essentielles l'une à l'autre pour être fécondes). Je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur<br /> du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible.... Dans l'univers invisible il y a les anges, créatures spirituelles, et dans les anges il y a le premier d'entre eux le "Porteur de<br /> Lumière", en latin Lucifer, créé bon mais libre, il a choisi de s'opposer à Dieu qu'il ne voulait pas servir - non serviam - et il est devenu le "prince des ténèbres"; avec les créatures<br /> spirituelles qu'il a entrainé ( et ils peuvent être "légion"à habiter le cœur d'un homme) il veut amener tous les hommes à refuser Dieu et la souveraineté du Bien. Le Christ l'a vaincu sur la croix<br /> - mais c'est un autre sujet bien vaste que celui de la rédemption! Plus qu'une dualité de personnes, Dieu et Satan (qui heureusement ne sont pas "à égalité") il y a les choix que nous faisons: nous<br /> attacher au Christ en faisant le bien qu'il nous fait discerner, et si notre attachement est grand nous allons avec Lui "de victoire en victoire" comme Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, ou bien<br /> nous nous détachons du Christ, victorieux du mal, et nous sommes livrés à nous-même avec tous les désordres où peuvent nous entrainer la seule raison avec les comportements aberrants qui s'en<br /> suivent et que nous voyons se répandre dans notre société "sans Dieu". La personnalisation du mal n'est pas une construction intellectuelle, elle est une vérité de foi, qui est d'ailleurs<br /> développée par la raison dans l'enseignement de l’Église.<br /> Dans toute "disputatio" il y a deux voies: l'une consiste à passer au crible de notre intelligence les vérités de foi que notre bouche proclame, l'autre consiste à passer au crible de la foi que<br /> nous proclamons les raisonnements que notre intelligence construit. Des deux voies tu as compris que je prenais la seconde.....mais les deux devraient se rejoindre.<br /> Amicalement
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B
En te lisant Piomega je pense à cette parole de Jésus: "Père, Seigneur du ciel et de la terre je proclame ta louange:ce que tu as caché aux sages et aux savants, Tu l'a révélé aux plus petits" (Mat<br /> 11,25)... les petits enfants savent "naturellement" distinguer le bien et le mal sans "ruse", et ce sont les adultes qui, au lieu de les conforter dans leur intuition, leur désapprennent à<br /> discerner ce qu'eux-même ne savent plus reconnaître!<br /> PS. Par deux fois tu affirmes ta conviction que "le mal n'existe pas en soi"? ce n'est pas ce qu'enseigne le catéchisme de l’Église Catholique: Adam et Ève sont "tentés par le Diable" (397) appelé<br /> aussi "le Malin" (415)ou encore "Satan l'Ange déchu" (395)... qui "agit" (395)dans le monde, et qui avec les démons "tente d'associer l'homme à leur révolte contre Dieu" (414). Dans cette vision<br /> "le mal" est personnifié et il existe bien "en soi". D'une manière générale les paragraphes 268 à 274 de ce catéchisme apportent les réponses de l’Église à à la question de la "toute puissance" de<br /> Dieu... ce qui n’empêche pas la réflexion bien sûr!<br /> cordialement.
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P
<br /> <br /> Cher BSM,<br /> <br /> <br /> Tout d’abord je tiens à te remercier, même si c’est avec un grand retard dont je te prie de bien vouloir m’excuser, d’avoir pris le<br /> temps de lire mes élucubrations et de me faire part des remarques qu’elles t’ont inspirées.<br /> <br /> <br /> Concernant ta première remarque, après avoir pris un temps de<br /> rumination et de régurgitation, je persiste à douter que les enfants sachent distinguer « naturellement » le bien du mal et que ce soit, comme l’affirmait Rousseau, la société qui les<br /> corrompe.<br /> <br /> <br /> Certes c’est plus ou moins en arrivant à l’âge de raison que l’enfant « perd son<br /> innocence » en prenant  conscience de la capacité de nuisance qu’il constate chez lui-même comme chez autrui. Mais l’éducation (e-ducere) ne consiste-t-elle pas précisément à conduire l’enfant d’homme hors de l’animalité que régit en lui la loi de la jungle ?  « Élever » cet enfant ne consiste-t-il pas à le décoller du sol de la Terre    -nom désignant l’univers de la vie dans sa dimension charnelle-    pour le rapprocher du<br /> Ciel    - nom désignant l’univers quand il inclut la dimension spirituelle de la<br /> vie-   ? Ne s’agit-il pas de faire en sorte à ce qu’il échappe au destin du « Serpent »<br /> cette créature animale qui marche sur son ventre et se nourrit de la poussière tous les jours de sa vie et qui, en conséquence de quoi, ne peut<br /> accéder au ciel et à la dimension spirituelle de la vie.<br /> <br /> <br /> Il me semble que la notion de « petits » mentionnée par le texte de saint Mathieu désigne un niveau de talent et<br /> d’intelligence plutôt qu’un niveau d’âge. Je partage en ce domaine la perception du Chanoine Crampon, traducteur au siècle dernier de plusieurs éditions de la Bible, même si d’autres traducteurs<br /> que lui vont plutôt dans ton sens comme l’illustre les exemples de traduction de Mt 11, 25 repris ci-dessous.<br /> <br /> <br /> <br /> - Chanoine Crampon<br /> <br /> <br /> En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit: " Je vous bénis, Père, Seigneur<br /> du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et les avez révélées aux simples.<br /> <br /> <br /> - Louis Segond (1901)<br /> <br /> <br /> En ce temps-là, Jésus prit la parole, et dit: Je te loue, Père, Seigneur du<br /> ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants.<br /> <br /> <br /> - TOB (traduction œcuménique  de la bible) :<br /> <br /> <br /> En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit: " Je te loue, Père, Seigneur du<br /> ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits.<br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Il me semble que ce qu’aborde ce texte de st Mathieu, c’est la question du Dessein Créateur dont l’objectif est de réaliser une<br /> créature capable d’aimer. Cette créature doit être mise en situation d’aimer son créateur comme celui-ci l’aime, c'est-à-dire librement et gratuitement. Ainsi comprise, la citation s’inscrit dans<br /> le registre du thème « malheur aux riches » et « bienheureux les pauvres en<br /> esprit », et elle désigne les caractéristiques de l’état d’esprit qui motive une personne à chercher l’amitié d’autrui en se faisant son serviteur en toute gratuité<br /> <br /> <br /> De même que le riche est souvent dépourvu de vrais amis parce que sa relation à son<br /> entourage est vicié par sa tentation à lui de « s’acheter » des amis et/ou la tentation des gens de son entourage de le courtiser pour<br /> tirer profit de sa puissance; de même, les sages et savants étant, quant à eux, en position de dominer leurs interlocuteurs, ils sont fortement soumis à la tentation de mettre ceux-ci à leur<br /> service plutôt que de les servir en ami. En ce domaine, le comble du machiavélisme consiste même à ne servir autrui que pour mieux l’amadouer et pouvoir ainsi l’instrumentaliser mieux encore à<br /> son service !<br /> <br /> <br /> L’amour n’engendre la vie spirituelle que dans la gratuité. Les gens « simples » (qu’ils soient enfants ou adultes) étant<br /> moins enclins à « ruser », ils sont les mieux placés pour vivre une vie inspirée par un esprit d’un amour d’amitié authentique.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Concernant ta seconde remarque, je conviens par contre bien<br /> volontiers que paradoxalement le mal est perçu tout à la fois comme « absence » et comme « présence personnalisée ».<br /> <br /> <br /> Mais il me semble que l’aspect présence, que nous percevons dans certaines situations de manière bien concrète, est comparable à notre<br /> perception du froid. Le froid est l’inverse du chaud tout comme le mal est l’inverse du bien. Si la chaleur environnante est insuffisante, nous risquons de mourir de froid. Mettre un chandail<br /> pour se protéger du froid montre que le froid est perçu comme une réalité en soi.<br /> <br /> <br /> Même si le mal n’existe pas par lui-même, il n’en reste pas moins indéniable que nous percevons comme une forme d’agression l’absence<br /> du bien dans notre environnement.<br /> <br /> <br /> Le mal est agression en ce sens que l’absence de bien qu’il manifeste se traduit par la déconstruction d’un bien préalablement<br /> existant. La mort physique est dé-assemblage d’un être vivant. Le bien est fondamentalement action de construire, et tout ce qui conduit à omettre de commettre le bien est source de<br /> déconstruction du bien déjà existant.<br /> <br /> <br /> Tout frein aux échanges qui constituent le métabolisme d’un être vivant est agression de sa capacité de survivre. L’oxygène est<br /> nécessaire pour respirer et vivre ; en être privé initie un processus d’étouffement. Ce processus nous est évident pour notre vie dans sa dimension physique. Il s’applique tout autant à<br /> notre vie dans sa dimension spirituelle. Seuls les échanges régis par l’esprit d’amour d’amitié authentique engendrent le bien et sont constructeurs<br /> de vie spirituelle.<br /> <br /> <br /> Il m’avait semblé important de souligner que le mal n’existait pas en soi. Pourquoi ?<br /> <br /> <br /> Parce que, me<br /> semble-t-il, la personnalisation du mal tend à nous entrainer vers une logique de dualisme manichéen, incompatible avec un dessein créateur dont la finalité est de nouer une relation d’amour<br /> entre créateur et créature.<br /> <br /> <br /> <br />